Décidement les articles sur Iker ne s'arrête plus...
Gardien de l'impossible Article paru dans l'Equipe du 29/06/08 Iker Casillas, le meilleur gardien que l’Espagne possède, a été décisif dans les tirs au but contre l’Italie,
irréprochable le reste du temps. Le capitaine de la Seleccion est dans la forme de sa vie et son Euro, à l’image de sa
saison 2008, est remarquable. Ce soir, par son influence et ses qualités, il peut à lui seul faire basculer la finale.
LEUR FACE-À-FACE est devenu un rituel. À la fin d’un entraînement des gardiens espagnols, Iker Casillas et
Pepe Reina se tapent dans la main. Tope-là ! Cinquante euros à celui qui arrête le plus de penalties. Deux
séries de dix. Leurs duels sont acharnés. Casillas, vingt-sept ans, en a récolté les fruits en quarts de finale,face à l’Italie. Ce soir-là, il a pris l’avantage sur Buffon, la référence mondiale. Deux tirs au but bloqués
(De Rossi et Di Natale) à un (Güiza). Luis Aragones, qui en a fait son capitaine, ne jure que par lui. Peu
importe si, sur le terrain, sa position est souvent éloignée de la zone stratégique. « Iker est pour l’équipe la
meilleure courroie de transmission.» Personne n’a réussi à prouver le contraire au sélectionneur qui n’a
pas été le premier à flasher sur les qualités du gardien du Real Madrid.
En 2002, avant de partir au Mondial de Corée-Japon, Canizares, le titulaire, se fait tomber un flacon d’eau
de Cologne sur le pied droit. Rupture du tendon extérieur du gros orteil.
Pour le remplacer, Camacho choisit un gamin de vingt ans. En huitièmes de finale, le jeune Casillas qualifie
l’Espagne aux tirs au but aux dépens de l’Irlande (1-1, 3-2 aux t.a.b.).
Quand on lui rappelle l’anecdote, il sourit : « Je me dis souvent que j’ai gagné à la loterie. »
Aujourd’hui, l’Espagne est en finale. Et elle doit beaucoup à son capitaine. Il n’existe pas un autre gardien en
Espagne, en Europe, et peut-être au monde, qui influe autant sur le cours d’un match. Sa détente, ses réflexes
au ras du sol ou un contre un, la précision de ses relances à la main frôlent la perfection. Même son jeu
aérien où il pouvait paraître vulnérable, n’a pas laissé percer la moindre faille. Casillas qui a la particularité
de jouer avec deux gants différents – le gauche n’a que quatre doigts depuis la Coupe du monde
2006 – n’a encaissé dans cet Euro que deux buts en quatre matches.
Et le meilleur est peut-être à venir.
Le meilleur, c’est quand son but est assiégé. Alors Casillas, du pied ou du
gant, à bout portant de préférence, dévie tous les missiles. Envoûtés, les fidèles de Santiago Bernabeu l’ont
baptisé « San Iker ». Ils ne comptent plus les fois où leur « saint » leur a
sauvé la mise. Normal, avec la forme de jeu du Real, Casillas est le gardien le plus sollicité de la Liga : un tir
toutes les quatorze minutes lors de la dernière saison. Ses inconditionnels
crient au miracle. Après ses deux arrêts contre l’Italie, les plus acharnés d’entre eux ont écrit à la paroisse
de Navalacruz, près d’Avila, d’où sont originaires les Casillas. Leur démarche ? Faire canoniser Iker, un
simple prénom populaire au calendrier, fêté le 31 mai. Comme il l’a fait dans d’autres cas, Francisco del Ojo,
le curé, enverra une demande officielle dans ce sens à la conférence épiscopale qui se réunit tous les ans.
« Les fans de Casillas ne peuvent pas nourrir beaucoup d’espoir, soupire
l’homme de robe. La pression populaire n’est pas un argument assez fort. »
Valdano : « Le Nadal du football »L’intéressé qui n’avait encore jamais gagné le « Zamora », le trophée du meilleur gardien de la Liga, l’a décroché
cette année. Seulement trentedeux buts encaissés. Angel Iribar, ancien gardien de l’Athletic Bilbao et
de la Seleccion, la plus grande référence du poste en Espagne, prétend que « Casillas est le gardien absolu.
Il bloque tout et quand il est battu,un poteau vient à son secours. » « Par sa rapidité et ses réflexes, il est le
Rafael Nadal du football, conclut Jorge Valdano, l’ancien directeur
sportif du Real. Ce qu’il réalise est prodigieux. »
Les éloges pleuvent, toujours plus nombreux. Casillas les fuit. Ils l’ont toujours dérangé. Quand le maire de
Mostoles, banlieue de Madrid, lui a fait part de la décision du conseil municipal d’inaugurer une rue à son
nom, il lui a dit : « Bon, O.K. mais à la condition qu’elle soit petite et discrète. » La discrétion, la modestie,
c’est ce qu’il aime avant tout. Et chez lui, la générosité n’est jamais loin.
Quand Aragones a voulu savoir où ils aimeraient aller faire la fête, en cas de victoire, le soir de la finale, Casillas
a répondu sans hésiter, « à Neustift », près d’Innsbruck, l’endroit où
la Seleccion a passé trois semaines. Pour une vraie raison qui en dit long sur l’état d’esprit de ce groupe. Le
capitaine tenait à associer à leur soirée la dizaine d’employés de la Fédération
espagnole, mobilisés au QG, à mille kilomètres de Vienne pour
démonter tout le matériel. La décision a été prise sans bruit, sans effet d’annonce. Comme dans sa propre
vie. Calme, rangée, tranquille. Loin des strass et des paillettes, loin de la mode et des grosses voitures.
Son appartement est situé dans un quartier populaire et sa garde-robe est toujours la même : jean, basket,
tee-shirt. « Il pourrait être votre voisin d’étage, celui qu’on n’entend jamais et qu’on découvre un jour, au
bout de cinq ans », sourit Valdano. Retour dans la surface de réparation espagnole, le coin de paradis de
Casillas. Ce jour-là, à l’entraînement, Xavier Enriquez, un des adjoints d’Aragones, filme les gardiens
vus de dos. Pour corriger la position de leur centre de gravité, améliorer leur temps de réaction.« Il
n’y a pas de miracle, il n’y a que du travail », souligne Aragones.